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18 juin 2007 1 18 /06 /juin /2007 20:30
La rencontre entre Marie-Laure et moi eut lieu quelques jours plus tard à notre domicile ; Ken l’avait ramené de son rendez-vous gynécologique (j’ai insisté pour qu’il y soit souvent avec elle). Le jour de notre mariage, je l’avais entrevu mais il y avait tant de monde et je ne l’avais pas bien regardé. La fille qui accompagnait mon mari ce jour et qui portait son enfant était une belle femme ; grande, elle avoisinait facilement le un mètre soixante douze /treize et est de teint bronzé ; elle avait des yeux insoutenables, oui des yeux revolvers ! Ses lèvres lippues étaient naturellement noires et dévoilaient un sourire magique, elle était très captivante comme femme et la grossesse lui donnait un air épanouie qui ferait pâlir de jalousie n’importe quelle autre femme.
Elle me détailla sans gène, d’un air entendu comme pour voir de près celle qui avait repris le flambeau auprès de Ken ; je ne sais si elle a trouvé son examen satisfaisant mais face à une femme aussi belle et qui a une telle assurance, n’importe qui se sentirait gauche. Ken avait senti que j’étais impressionnée et s’empressa de parler pour me permettre de me reprendre.
-          Nelly, je te présente Marie-Laure, Marie-Laure, c’est mme Kofi, mon épouse
-          Enchantée de vous connaître chère madame ; je tardais de vous rencontrer me dit Marie-Laure, franchement décontractée.
-          Je suis également contente de vous rencontrer ; votre grossesse se passe bien j’espère ?
-          Ça peut aller ; nous rendons grâce à Dieu.
Après les baratins d’usage dont nous aimons colorer nos rencontres en Afrique, Marie- Laure demanda à Ken de nous laisser seules afin de pouvoir discuter. Il me regarda, ayant l’air de vouloir demander mon avis sur la question. Elle remarqua qu’il hésitait, qu’il avait peur de nous laisser et elle lui dit en riant :
-          Je ne vais quand même pas manger ton épouse ! laisse nous seul veux-tu ?
Malgré lui, il se leva et nous laissa seules.
Puis s’adressant à moi, Marie-Laure me dit :
-          Je suis sûre que vous vous demandiez pourquoi je tenais tant à vous rencontrer ?
-          Effectivement…
-          Je tenais d’abord à vous dire que je regrette foncièrement la manière dont je me suis introduite dans votre ménage ; ce n’était pas du tout intentionnel.
-          Je veux bien croire à votre bonne foi lui ai-je répondu !
-          Vous devriez chère madame ; Ken et moi avions connu de bons moments mais c’était fini depuis ; ceci n’est que le résultat d’un moment d’inattention et de bêtises qui ne devrait jamais arrivé mais voilà, c’est arrivé ! je l’assume entièrement et je suis venue jusqu’ici vous dire que je vous admire beaucoup !
-          Ah bon ! et pourquoi donc ? lui demandai-je très amère.
-          Ken a raconté à qui veut l’entendre à Abidjan qu’il avait rencontré et épousé une superbe femme ; pour nous les femmes principalement, nous croyions à l’époque qu’il délirait et que c’était plutôt votre chance à vous de tomber sur un homme qui vous aime tant ! maintenant j’ai compris.
-          Et qu’avez-vous donc compris, lui demandai-je de plus en plus perplexe par cette conversation étrange.
-          Quand j’ai annoncé à Ken que j’attendais un bébé, il a failli mourir ; il a pleuré, mais pas de joie, mais de douleur de vous avoir causé du tort ; j’étais furieuse de voir à quel point vous étiez importante dans sa vie au point où il décida d’accepter la venue de l’enfant juste si vous étiez aussi consentante ! j’étais ulcérée que la vie de mon bébé et mon bonheur soit dans la main d’une étrangère. Dans un premier temps, j’avais décidé de garder le bébé juste pour vous emmerder mais à ma grande surprise, Ken ne s’en était nullement peiné ; il m’avait dit que vous étiez aussi consentante pour sa venue. Et je vous en remercie.
-          Vous savez, lui ai-je dit, cet enfant est un innocent qui n’a pas à payer pour l’égarement des adultes comme nous ; j’étais très déçue sans vous le cacher mais le mal était fait ! que pouvais-je faire ? j’adore mon mari et je n’ai pas envie de le perdre ;
-          Il vous aime aussi et je crois qu’il n’a pas tort ; ici, à Abidjan, les femmes auraient agit autrement ; à votre place, je serais partie chez cette femme faire des histoires, je me serais arrangée pour lui pourrir la vie, je l’aurais empoisonnée au besoin et lui aurais définitivement arrachée son mari. Mais vous, vous êtes comportée admirablement. Je ne vous ai jamais rencontré, vous avez même insisté pour qu’il vienne à toutes les consultations et vous faites comme si c’était normal ! j’envie votre sang froid et j’admire malgré votre jeune âge, votre grande maturité et je tenais à vous le dire !
-          Merci beaucoup ; j’ai agis par amour pour Ken ; j’étais désespérée et mon éducation ne me permettait pas de me comporter autrement ; je crois en mon mari et il a fait une erreur que je lui pardonne ; un enfant est une grâce de Dieu et je considère tout se qui se passe comme des grâces de Dieu.
-          Je ne vous demande pas d’être une super copine ; ici à Abidjan, les hommes n’aiment pas savoir leur enfant en dehors du ménage et je sais que tôt ou tard, mon enfant vous rejoindra ; il passera plus de temps avec vous qu’avec moi, sa véritable maman et je tenais à vous faire comprendre que je n’ai pas causé cette situation délibérément et vous dire aussi que je sais désormais que mon enfant serait en de bonnes mains. Je vous remercie beaucoup car avec vous, j’ai reçu une grande leçon : « l’amour s’exprime plutôt par les faits que par les paroles ». Depuis, je me demande si j’ai eu à réellement aimé quelqu’un dans ma vie et que la vision que j’ai toujours eu de cette vie est beaucoup différente de ce qu’elle est réellement ! merci pour cette chance que vous m’offrez de devenir maman !
-          Je vous en pris ; je crois que chacun d’entre nous a tiré une grande leçon de ce qui s’est passé, moi en premier lieu.
-          Je n’oserais abuser plus de votre temps ; merci pour tout et beaucoup de bonheur dans votre ménage.
-          Je vous en prie ; je vous souhaite une bonne délivrance !!!
            Et elle partit ; ne pas avouer que cette visite tant appréhendée m’a beaucoup impressionnée serait mentir. C’est vrai que hormis mes belles sœurs, la femme de Babacar et quelques collègues de Ken, je ne fréquente pratiquement aucune ivoirienne ; l’image que j’ai toujours eu d’elles et ce que la presse nous renvoie en général est celle de femmes ultra libérées, palabreuses, matérialistes et insouciantes ; nous autres béninoises, sommes souvent perçues par ces dernières comme des femmes coincées, pas osées voire arriérées ; elles nous reprochent souvent notre passivité et notre tiédeur dans certains domaines ; à Abidjan, Ken me suffisait largement et le peu de temps que je pouvais disposer était consacré à m’occuper de ma future vie professionnelle ; pour moi, affronter ces femmes équivalait à me chercher des histoires à vie et la grossesse de Marie-Laure était une grosse humiliation pour moi ; je voyais ma quiétude voler en éclat et la perspective de faire face à cette femme qui est pourtant une imposteur était pour moi un calvaire. Une fois encore, Ken m’a démontré qu’il ne se trompait pas dans le choix de ses amis et ex-copines.
Quelques semaines après cette entrevue, nous fûmes réveillés en pleine nuit par la maman de Marie-Laure. Le travail avait commencé et Marie-Laure était déjà transférée au CHU de Cocody. Ken était visiblement troublé et j’insistai pour venir avec lui. Au CHU, nous retrouvions dans le bloc de la maternité sans difficulté les parents de Marie-Laure ; le travail avait parait-il commencé en début de soirée et depuis rien ; elle était assisté par son gynécologue et deux sages-femmes très expérimentés mais sa mère déclara qu’ils n’avaient plus de nouvelles depuis plus d’une heure déjà ; visiblement, cela se passait mal ; il y avait de l’agitation partout ; près de deux heures après notre arrivée, le gynécologue demanda à parler à sa maman ; le bébé rencontrait quelques difficultés pour sortir et Marie-Laure était épuisée. Il était donc venir avertir qu’il allait faire une césarienne pour essayer de sauver le bébé, ce qui avait été accepté par tous. Encore une heure d’attente et le bébé fût dégagé. C’était une adorable fille mais la maman était dans un état critique ; elle saignait beaucoup et perdait beaucoup de sang ; une transfusion s’imposait. La joie de la naissance du bébé fut écourtée très tôt pour donner place à une frénésie sans pareille ; toute l’assistance était inquiète et visiblement tout le monde priait silencieusement. Dieu sait par quelle malchance, aucune banque de sang ne disposait suffisamment de sang de groupe 0+ ce jour là ; seules deux poches furent difficilement trouvées mais Marie-Laure s’était vidée de tout son sang et cela ne fût pas suffisant ; à l’aube, alors que les premières lueurs du matin se levaient, le docteur averti sa maman qu’elle désirait lui parler ainsi qu’à Ken et moi. Nous fûmes introduit dans la salle où elle était encore étendue sur la table d’accouchement. Elle se tourna vers nous et nous sourit ; son visage était d’une pâleur mortelle. Elle prit les mains de sa maman et lui dit :
-          Maman, je sais que je vais mourir
-          Oh non ! ils vont te sauver, ma fille, ils vont te sauver !
-          Maman, je le sens ! il faudrait que tu sois forte !
-          Ne parle pas ainsi dit sa maman en pleurant !
-          Je te demande pardon pour tout ; je n’ai pas été une enfant facile et je le sais ; je te demande pardon pour toutes ces peines que je t’ai causé !
-          Ce n’est pas grave ma fille ; tu es après tout ma fille bien-aimée ; tu ne vas pas mourir, ils vont te sauver, tiens bon ! elle pleurait chaudement et j’avais de plus en plus du mal à rester ; je ne pouvais décrire l’état dans lequel mon mari était : il était tétanisé, il ne pouvait avancer, sa main, restée dans la mienne était devenue très glacée ; Marie-Laure se retourna vers lui et lui dit :
-          Et bien Ken, je suis punie !
-          Pardon ? qu’est ce que tu racontes donc ?
-          Quand nous voulions nous séparer, tu m’as dit que je serais punie pour tous ces avortements et c’est fait !
-          Ne raconte pas de bêtises Laure, je ne l’ai pas pensé, je l’ai dit dans un excès de colère ! tu t’en remettras !
-          Je ne le crois pas et vous le savez tous ! tous ces bébés que j’ai avorté m’ont puni ; puisque je n’ai pas voulu d’eux, ils m’ôtent aussi le droit au bonheur d’être maman ; ce n’est que justice !
-          Arrête ! dit Ken en pleurant aussi ; tu as assez payé je crois ! ils te trouveront une autre poche de sang ;
-          Même si, c’est pas évident que je vive ; je sens la fin proche ; j’ai toujours pressenti que quelque chose allait se passer !
-          Laure je t’en supplie, reste avec nous ; tu es la maman de ce bébé, c’est le nôtre, tu n’as pas le droit de l’abandonner ! suppliait Ken !
-          Vous êtes là ! dit –elle puis elle se retourna vers moi et me dit :
-          Nelly, j’ai demandé à vous voir car dès maintenant, vous avez un bébé ; c’est votre bébé maintenant ; je m’en vais !
-          Je vous prie Marie-Laure; vous parlez par désespoir lui ai-je dit !
-          De toute manière, je n’ai jamais eu la fibre maternelle et je crois que je serais une mauvaise maman ; puis s’adressant à sa mère, elle dit :
-          Maman, je sais que tu te consolerais plus rapidement si tu as mon enfant à ma mort  mais je veux que Ken et sa femme prenne le bébé avec eux ; ce sont ses parents et tôt ou tard, ce sont eux qui vont l’élever ; je préfère donc qu’elle soit dès maintenant avec eux !
-          Oh ma fille, si c’est ainsi que tu le désires, ce serait fait, dit sa maman en pleurant !
J’étais émue et je ne pouvais parler ; j’a vais le trac et serrais très fort la main de Kenneth qui ne cessait de couler des larmes ;
-          Je ne sais pas comment m’y prendre, je n’ai jamais eu de bébé balbutiai-je !
-          Tu apprendras, tu apprendras…. Fut ses derniers mots et Marie-Laure rendit l’âme.
Aujourd’hui encore, j’entends le cri déchirant que lança sa maman ; elle se jeta sur elle, la secoua, lui prit la tête entre ses mains et Ken et moi, étions restés plantés, impuissant, en regardant la mort emporter la maman de celle qui est devenue providentiellement notre enfant ;
On nous sortis de la salle ; il sonnait déjà presque huit heures et la nouvelle du décès de Marie-Laure se répandit comme une traînée de poudre dans tout Abidjan et en un clin d’œil, le service était rempli de parents, amis, voisins qui pleuraient de douleur cette belle Marie-Laure. Puis il eut un grand cafouillage d’où le gynécologue nous tira Ken et moi ;
-          Vous êtes le papa si j’ai bien compris et madame est votre épouse n’est-ce pas ?
-          Oui dit Ken,
-          La maman de Marie-Laure m’a dit que c’est désormais vous qui alliez vous occupez du bébé ;
-          Oui, comment va-t-elle ?
-          Elle va bien ; c’est une enfant pleine de vie et vigoureuse ; mais comme c’est la règle, elle serait maintenue en observation pendant 24h ; madame vous vous en occupez ?
-          Bien sûr ! m’empressai-je de répondre !
-          Si nous sommes d’accord, venez voir la chambre attribuée au bébé ; Mr Kofi, pouvez-vous récupérer les affaires du bébé ?
C’est ainsi que brusquement, je devins maman contre toute attente ; nous étions rentrés le lendemain avec un bébé dans les bras, totalement désorientés. Pour honorer la mémoire de sa maman, nous avions choisi de l’appeler Lauryne, c’est –à dire petite Laure. Les obsèques de Marie-Laure furent tristes à en mourir ; sa maman était inconsolable et Ken sans se l’avouer avait aussi frôlé la dépression ; il se sentait coupable de tout et à plusieurs reprises, il ne cessait de répéter :
-          Si ce soir, je m’étais abstenu, si je m’étais comporté comme il fallait, rien de tout ceci ne serait arrivé !
Je ne cessais de lui dire que c’était écrit et que les choses devraient se passer ainsi ! Il s’en voulait à mort et encore surtout, quand je passe des nuits à veiller la petite, quand j’ai dû reporter le début de mon stage chez Me KABORE, et bien d’autres choses encore !
Pour beaucoup de gens, Lauryne est notre fille, Ken et moi ; de toute manière, je n’étais pas beaucoup restée à Abidjan depuis mon mariage et il était difficile aux gens de déterminer si j’avais été enceinte ou pas ;
Apprendre à être maman n’avait pas été facile d’autant plus que je n’étais pas prête et était à mille lieux de penser à ce qui allait arriver. Les nuits de veille, les couloirs de pédiatries, les malaises de dentitions, les premiers mots, les premiers pas, tout ceci, Ken et moi l’avions connu dans la plus grande patience et le plus grand bonheur.
Après trois laborieuses années en tant que clerc stagiaire, mon dossier est en examination et d’ici quelques semaines, je serais reçue dans l’ordre des notaires de la Côte d’Ivoire.
Lauryne a plus de trois ans et grandit admirablement bien ; elle ressemble beaucoup à Ken mais a hérité de sa maman son beau teint bronzé et vraisemblablement, sa grande taille. Elle est pleine de malice et son intuition d’enfant lui souffle déjà que bientôt elle aura un frère ou une sœur.
Que ne ferait-on pas au nom de l’amour ?
Fin.
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