Terre Promise

Franck se retourna pour la nième fois dans le lit sans trouver le sommeil ; au fait, le sommeil, il l’a déjà perdu depuis trois jours ; pour lui, le jour et la nuit n’ont plus aucune différence, ce sont juste des phénomènes de la nature qui ne l'influencent plus. Depuis trois jours, il a perdu le sommeil, depuis trois jours, son esprit est troublé, depuis trois jours, il est incapable de réfléchir à quoi que ce soit, tout le monde venait de s’effondrer autour de lui. Il se redressa dans le lit, s’adossa contre son oreiller et regarda à ses côtés Christine qui dormait, l’air paisible et dont la douce respiration n’a même pas réussi à le bercer. Christine : voilà la cause de son trouble, et rien d’autre !

Franck a rencontré Christine pour la première fois il y a de cela sept ans à un boom organisé par sa cousine Sarah à l’occasion de son vingtième anniversaire. Toute de suite, Franck su que Christine jouera un rôle important dans sa vie ; sans aucun doute, Christine sera sa femme ! le sentiment foudroyant qu’il ressentit pour Christine eu raison de toutes les bonnes décisions qu’il avait prises face aux échecs successifs essuyés avec les femmes. Avec intelligence, il se renseigna sur elle lors de la soirée et pu enfin l’approcher un peu plus tard. Les formalités de politesse passées, il lui expliqua sans ambage qu’il désirait l’épouser.

Elle ne parut point étonnée et lui répondit simplement :

-         Eh bien cher monsieur, vous êtes bien audacieux !

-         Je sais que ma proposition vous paraîtra étonnante, voire hallucinante mademoiselle, mais dès que je vous ai vu, mon cœur m’a dit que vous êtes mon âme sœur ! lui a répondu Franck !

-         Et qu’est ce que je n’entendrai donc pas avec mes oreilles de femme ? les hommes sont nés avec le baratin on dirait dit-elle en riant !

-         Vous ne semblez du tout pas prendre au sérieux ce que je vous dit, dit-il un peu peiné en remarquant qu’elle s’amusait avec ce qu’il considérait lui, comme une affaire sérieuse au plus haut point.

-         Si vous pouvez savoir le nombre de demande en mariage que j’ai reçu depuis ma naissance ! je serais déjà mariée depuis des lustres ! et bien, moi, tout le monde désire m’épouser !

-         Donc mon cœur a vu juste ! vous êtes mariable, vous avez quelque chose  qui rassure et qui pousse à vous vouloir coûte que coûte à côté pour longtemps.

-         Merci Franck pour vos compliments ! je peux vous appeler Franck n’est ce pas ? lui demanda Christine

-         Bien sûr ! et me tutoyer aussi pour ma future épouse, c’est la règle de base numéro un.

-         Halte ! tu vas vite en besogne ; je ne suis pas ta future femme, je ne serais jamais ta femme !

-         Pourquoi donc ? es tu déjà mariée ? je ne vois point de bague à tes doigts!
- Je ne suis pas encore mariée c’est vrai

-         Fiancée alors ? demanda Franck en essayant de s’expliquer ce refoulement franc

-         Peut-être si on veut exprimer les choses ainsi ; mais moi, je dis plutôt que je suis promise ! je suis promise à un homme, le seul que je n’ai jamais aimé !

-         Promise ? qu’est ce que cela veut dire ? nous sommes plus à l’ère de la pierre taillée ; ça se fait plus ces choses ! ne me dis pas que tes parents te forcent…..

-         Ce n’est pas ce que tu crois ! Gérard et moi nous nous sommes promis depuis l’enfance de nous marier et c’est un engagement qui tient toujours !

-         J’aimerais bien comprendre cette histoire, dit Franck de plus en plus déçu.

Et calmement, avec sourire, Christine lu raconta une incroyable histoire d’amour et surtout d’amitié qui le fit douter à jamais qu’il pourra épouser cette fille qui lui a paru un instant comme étant la solution à son long chemin de croix avec les femmes. Beau garçon, Franck n’a jamais eu beaucoup de chance avec les femmes ; trop sérieux, il pense chaque fois à se marier alors  que ces dernières ne pensent qu’à s’amuser, à s’aguicher un soir aux bras d’un beau mec ou encore à profiter de sa trop bonne situation sociale !

Il avait vingt sept ans quand il rencontra Christine et désespérait de trouver la perle avec qui il allait se fixer et créer un ménage ; il avait fini ses études depuis deux ans et avait un poste d'associé dans  le cabinet d’architecture de son père. Ses amis commençaient par se fixer un par un et lui-même en avait marre de naviguer entre plusieurs femmes, sans réellement avoir un aperçu sur son avenir sentimental.

Aujourd’hui encore, il a du mal à penser qu’il vient de passer huit mois avec cette femme, huit mois de rêves, huit mois qui paraissent une éternité mais aussi courts comme huit jours. Huit mois passés auprès d’une femme qui, il y a quatre ans, il pensait avoir perdu définitivement.

En effet, trois ans après leur première rencontre, Christine se maria avec son Gérard ! Le mariage du siècle ! Pompeux, organisé avec phare, c’était le mariage certain, attendu, pensé entre deux familles très consentantes et fières de se lier officiellement et à vie.

Les mariés étaient beaux, heureux, sûrs d’eux et donnaient envie à quiconque de passer devant le maire et le curé.

Franck faisait partie des centaines d’invités venus partager leur bonheur célébré avec virtuosité et charité.

Dans le silence de son cœur, Franck était obligé de partager avec eux ce bonheur, souffrant intérieurement de la perte que représentait pour lui ce mariage et se faisant mentalement à l’idée qu’il venait encore d’échouer sur le plan sentimental. Jusqu’à la veille de ce mariage, il espérait toujours être l’époux de Christine un jour, n’ayant jamais cessé de lui faire discrètement la cour, se disant que cet amour inexplicable qu’elle ressentait pour ce Gérard était infantile et s’évaporerait un jour mais, hélas, rien de tout cela ! L’amour était réel, vrai et à présent consommé.

Et voilà que quatre ans après ce fastidieux mariage, Christine dormait dans son lit à lui, Franck, pire sinon, mieux, Christine portait son bébé.

Franck avait eu un professeur à l’université qui avait l’habitude de dire : « vous avez déjà ce que vous avez pensé et désiré. Vous le perdez souvent parce que vous n’êtes pas assez patient pour le voir se matérialiser ».

Depuis huit mois que les choses ont changé, Franck ne cesse de penser à cette phrase et pour la première fois, il comprit son sens, se félicitant intérieurement d’avoir eu à rencontrer un jour ce professeur.

Christine, il l’avait déjà reçu comme femme, mais il n’avait pas été patient et a perdu tout espoir depuis le mariage de cette dernière avec son mari. Alors, ce n’est que d’un œil juste qu’il considéra le revirement de la situation en pensant que ce qui est à Cesar lui est rendu!

Mais depuis ces trois derniers jours, il doutait de tout : de son amour pour Christine, de cette dispute entre son mari et elle, du bébé qu’elle porte de lui, il doutait même de la respiration régulière de celle qui dormait à ses côtés ! Depuis trois jours, il s’efforce de se réveiller du mauvais rêve et de réaliser enfin que point de Christine, il n’a jamais existé dans sa maison, mais plutôt d’un fantasme devenu illusion dans son esprit. Mais la vérité était bien là : Christine dormait dans son lit car l’ayant rejoint voilà huit mois et portant même un bébé de lui. Qu’allait-il donc faire à présent ? Que deviendrait donc sa vie ?

Christine entendit son amant bouger dans le lit à plusieurs reprises dans son sommeil difficilement acquis, fragilisé avec les événements des derniers jours. Elle eut envie de se lever et de le prendre dans ses bras mais quelque chose l’en empêcha. Elle sut que l’heure était venue de parler sérieusement avec Franck, de prendre une décision ; l’un et l’autre savait que cela ne serait pas facile, qu’ils en souffriraient et évitaient soigneusement depuis des jours d’en discuter. Mais Christine, avec l’honnêteté naturelle qui la caractérise se refuse de cacher la vérité à Franck, quoique cela puisse leur coûter. Sachant que cela ne serait pas facile, elle décida de faire une rétrospection dans sa vie afin de s’assurer qu’elle prendra la meilleure décision.

(A suivre....)